Habiter (avec) Xenakis


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Projet de recherche 2022-2023, EUR ArTeC
En partenariat avec la BNF, le CDA d’Enghien-les-Bains, l’IRCAM, la Cité des Sciences, la Philharmonie de Paris, les Amis de Xenakis, l’Université Kapodistria d’Athènes
Responsable : Makis Solomos


L’année 2022 célèbre le centenaire de Xenakis (1922-2001). Pour reprendre le titre de l’exposition que la Philharmonie de Paris lancera en février 2022, on peut parler des Révolutions Xenakis. En effet, le compositeur, architecte, artiste multimédia et théoricien transfère, en quelque sorte, dans le domaine des arts, la révolution (politique) qu’il n’a pas pu réaliser dans son pays natal, la Grèce (pays qu’il dut fuir suite à la défaite communiste durant la guerre civile) : introduction des probabilités et des masses sonores en musique, formalisation de la musique et alliages arts/sciences, développement d’une conception de la musique pensée comme son-composé, travail pionnier dans les technologies musicales (UPIC, synthèse stochastique), invention du concept de polytope, utopies architecturales… Tout en étant utopiques, les œuvres de Xenakis sont ancrées dans l’ici et le maintenant, elles nous parlent des luttes politiques passées et à venir, de l’impossibilité de séparer nature et culture, de notre relation à la technologie ; par leur gestualité empreinte d’énergie, elles en appellent à une relation émancipée à notre corps ; à travers leurs sonorités composées ou leur travail sur la spatialisation, elles aiguisent nos sens… On aimerait ainsi aborder Xenakis selon une "dwelling perspective" (pour reprendre l’expression de Tim Ingold), afin d’étudier comment on peut habiter les milieux complexes que tissent sa pensée ainsi que ses réalisations musicales, architecturales et multimédia et comment ces milieux nous aident à habiter le monde d’une manière critique.
 
Ce projet se déploie selon 4 directions pour l’année 2022 :
1. Interpréter/Performer Xenakis. Réputée très difficile à jouer, la musique de Xenakis pose des questions passionnantes sur la performance musicale et sur la relation de l’interprète à l’auditeur. On se centrera ici sur la performance d’œuvres pour piano seul, d’une œuvre mixte (narrateurs, chœur, UPIC) et d’une œuvre électroacoustique (UPIC) et on dialoguera avec plusieurs interprètes et musicologues, dans le cadre de concerts et de journées d’études, afin d’étudier les diverses questions que soulève l’interprétation/performance des œuvres de Xenakis.
2. Performances augmentées autour de l’œuvre pour piano de Xenakis. En continuité avec la thématique précédente, nous proposons la réalisation interdisciplinaire d’une performance en réalité augmentée des quatre pièces pour piano seul de Xenakis, comprenant des éléments symboliques physiques et virtuels. Cet espace hybride évoquant l’aspect immersif des polytopes xenakiens a été expérimenté dans une première étape de travail réalisée dans le cadre du projet postdoc EUR ArTeC du pianiste et musicologue Pavlos Antoniadis autour de l’œuvre Evryali. Cette nouvelle étape permettra d’explorer les enjeux du temps-réel pour 1/ De nouvelles recherches esthétiques et graphiques ; 2/ Un suivi de la partition et le déclenchement d’effets visuels par apprentissage artificiel en fonction des mouvements du pianiste ; 3/ L’implication des spectateurs dans la régie vidéo temps réel "ouverte" sur scène.
3. Colloque international Xenakis 22 : International Symposium. Plusieurs colloques ont déjà été réalisés autour de l’œuvre de Xenakis. Le présent colloque souhaite s’ouvrir à toutes les recherches en cours sur Xenakis, que ce soit autour de questions esthétiques, écologiques ou politiques, de problématiques musicales et musicologiques, d’enjeux technologiques, de thématiques architecturales ou multimédias… Il se déroulera sur 6 jours et alternera sessions avec communications, ateliers et performances. Par son importance fédératrice, il devrait marquer un tournant dans les études xenakiennes et plus globalement dans la réception de l’œuvre de Xenakis.
4. Reconstitution du Polytope de Cluny. Grâce au tout récent transfert de données de certaines bandes multipistes (qui se trouvent à la BNF), contenant des données numériques utilisées par les appareils de l’époque pour les commandes du spectacle visuel (flashs lumineux et lasers) du polytope, le doctorant Pierre Carré a montré que nous sommes en mesure de monter ce polytope. L’Ircam compte se livrer à cette reconstitution, à l’occasion de laquelle le projet organisera une journée d’études pour réfléchir à l’habitabilité des polytopes qu’on peut, à certains égards, penser comme un art environnemental.
Pour 2023, nous souhaitons procéder à une reconstitution virtuelle du Polytope de Cluny enrichie d’une reconstitution virtuelle de l’architecture du Diatope (le fond documentaire disponible permet, grâce au travail d’Elsa Kiourtsoglou, d’envisager cette reconstitution). On aura ainsi des éléments tangibles permettant à la fois aux chercheurs, aux artistes et aux spectateurs de mesurer, pour la première fois, ce qu’ont pu être les polytopes xenakiens.
 
Collaborateurs : Pavlos Antoniadis, Anne-Sylvie Barthel-Clavet, Frédéric Bevilacqua, Cyril Birnbaum, Alain Bonardi, Pierre Carré, Victoria Chavez, Ulysse Del Ghingaro, Aurélien Duval, Dimitri Exarchos, Anastasia Georgaki, Denis Gautheyrie, Paul Goutmann, Vaggelis Karmanolakis, Elsa Kiourtsoglou, Iakovos Stenheimer, Luc Verrier, Mâkhi Xenakis