Nexus Rainer


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Colloque international
12 décembre 2014, Palais de Tokyo (Paris)
Organisé par Pontbriand W.O.R.K.S. [We_Others and Myself_Research_Knowledge_Systems] avec le soutien de MUSIDANSE (Laboratoire d’analyse des discours et pratiques en danse), Le Laboratoire du Geste (Université Paris 1), et le Palais de Tokyo.
Responsables : Barbara Formis, Julie Perrin et Chantal Pontbriand


Avec : Emmanuel Alloa, Pauline Boudry, Yael Davids, Vanessa Desclaux, Barbara Formis, Myrto Katsiki, Isabelle Launay, Julie Pellegrin, Julie Perrin, Denis Pernet, Chantal Pontbriand, Catherine Queloz, Liliane Schneiter, Noé Soulier, David Zerbib.

Présenté dans le cadre du Yvonne Rainer Project conçu par Chantal Pontbriand (commissaire et critique d’art), NEXUS RAINER est un colloque international organisé par Barbara Formis (philosophie de l’art, Université Paris 1, Panthéon Sorbonne, UMR ACTE 8218, et co-directrice du Laboratoire du Geste), Julie Perrin (chercheuse en danse, université Paris 8), et Chantal Pontbriand.

Ce colloque international réunit différents chercheurs en art, commissaires d’exposition et artistes, afin d’aborder les divers aspects de l’œuvre d’Yvonne Rainer : quelle est sa résonance aujourd’hui dans la recherche en art et dans l’art contemporain (chorégraphie, art visuel ou cinéma) ? Il s’agit d’envisager Rainer tout autant comme chorégraphe et danseuse, que comme cinéaste, théoricienne de l’art (l’on songe aussi bien à ses écrits sur la chorégraphie que ceux sur le cinéma et le genre) ou encore l’écrivain (elle est l’auteure d’une autobiographie et d’un recueil de poésie).

NEXUS RAINER est l’occasion de tisser des liens entre les aspects multiples de son œuvre pour tenter sinon de dénouer les complexités au moins d’entrevoir les intrications et de dégager l’importance de son œuvre pour l’art et la pensée aujourd’hui.

 

Programme NEXUS RAINER

13:00 Introduction par Chantal Pontbriand : Rainer et l’Idée de communauté

En 1980, Yvonne Rainer imagine sous forme de diagramme une arborescence de ses liens dans le monde de l’art (arts visuels, film, danse et musique), au passé, au présent, et même au futur, alors qu’elle y inscrit la phrase « and others too numerous to name » (et d’autres trop nombreux à nommer.) Ce tableau est à l’image de son travail chorégraphique et cinématographique qui traite de l’en-commun, de ‘comment faire’ pour que les uns et les autres puissent dessiner une communauté en devenir. À travers une communauté d’affinités qui se poursuit donc, ce colloque réunit des artistes, des historiens de l’art et des artistes qui constituent aujourd’hui un « nexus » Rainer.

13:30 1ère session : « I WANT MY DANCING TO BE THE SUPERSTAR »

Introduction par Julie Perrin : Écriture et montage dans Work 1961-73

L’œuvre de Rainer, dans sa complexité, ne cesse d’ouvrir des pistes pour regarder et penser la danse et pour réfléchir à comment se constituent les théories en danse. Par ailleurs, les contradictions dans les textes de Rainer ne cessent de bousculer le chercheur face à ses certitudes et questionnent l’usage qu’il fait de la parole de l’artiste. Cette œuvre tentaculaire semble résister à toute synthèse ou conclusion définitive, non seulement par l’évolution progressive qui la caractérise, mais aussi par la pratique de la juxtaposition et du montage. Une forme de polyphonie s’instaure dans l’œuvre chorégraphique, cinématographique et textuelle. Je m’en tiendrai à l’examen de quelques-uns de ses procédés d’écriture (au fond assez proches de certains de ses procédés chorégraphiques), à partir de l’analyse de son premier livre Work 1961-73 (The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, Halifax, New York University Press, New York, 1974).

14:00 Catherine Queloz avec Pauline Boudry, Denis Pernet et Liliane Schneiter  : 1993. Rainer au séminaire. Scénariser le texte, performer la langue : les méthodes de l’artiste-chercheur

Le livre des écrits d’Yvonne Rainer en français est une des conséquences d’un long séminaire organisé en 1993 dans le cadre d’enseignements donnés à l’école d’art de Genève (actuellement Haute école d’art et de design_HEAD). Un atelier d’une semaine avec Yvonne Rainer, couplé à l’organisation de la projection publique de l’ensemble de ses films, était pour nous l’occasion de prolonger un reading group, initié en dehors des cours officiels, pour introduire un débat sur des questions encore peu traitées dans l’école d’art, telles que le genre, les théories postcoloniales, l’histoire sociale de l’art, la théorie-fiction… et aussi une opportunité de présenter des formats inédits de pratiques artistiques inclusives du langage.

15:00 Noé Soulier : Agir pour agir. Le paradoxe des tasks

Les tasks présentes dans les performances d’Yvonne Rainer visent à exécuter des actions motivées par un but pratique. Pourtant comme c’est l’action elle-même qui est visée et non son résultat, le but pratique devient un moyen pour que l’action ait lieu. On tentera d’explorer les implications de cette tension interne en comparant les tâches à d’autres actions chorégraphiques qui mobilisent des buts pratiques et à des œuvres qui à l’inverse cherchent à viser l’action elle-même pour en recueillir la trace.

Isabelle Launay : L’humour de/dans/par l’histoire

En reprenant une activité de chorégraphe depuis les années 2000, après plusieurs décennies consacrées au cinéma, Yvonne Rainer fait dans le même temps à sa façon avec des danseuses interprètes de générations différentes un retour sur l’histoire de la danse, notamment à Georges Balanchine et Nijinski. Dans quelle perspective, à partir de quel point de vue, et quel regard pose-t-elle sur Agon de Balanchine et sur le Sacre du printemps de Nijinski ? Et quelle histoire de la danse propose-t-elle au sein même de ces œuvres ? On proposera ici quelques hypothèses sur son humour historique. 

16:30 2e session : « THE MIND IS A MUSCLE »

Introduction par Barbara Formis : L’Esprit est un muscle

L’œuvre d’Yvonne Rainer porte en son sein une véritable vision philosophique du monde et de l’art. Ainsi, cette idée centrale selon laquelle l’esprit serait un muscle, dévoile une vision organique des concepts et des expériences qui rend notre relation au monde beaucoup plus complexe que dans un système dualiste classique où le corps serait à jamais séparé de l’esprit. Aussi, le titre qu’elle choisit pour sa biographie Feelings are Facts peut se lire, comme dans un effet de miroir, dans le droite ligne d’une théorie matérialiste du savoir et de la création. 

17:00 David Zerbib  : Yvonne Rainer, de l’acte de langage au langage de l’acte

Comment le travail d’Yvonne Rainer, nourri de nombreux apports en matière de théories du signe et producteur lui-même d’une pensée singulière du rapport entre corps et langage, s’inscrit-il dans la question générale de la "performativité" ? Le fait que le langage constitue un acte avant même de transmettre un contenu quelconque travaille profondément non seulement le domaine de l’art, mais au-delà celui de la culture, de la technique ou de la société dans son ensemble. Mais qu’en est-il lorsque l’acte, le corps ou le geste semblent faire signe, constituer un langage ? À quel genre de "performativité" avons-nous affaire ici ? 

Myrto Katsiki  : Activations du « neutre » dans Trio A

Cette intervention propose d’activer le neutre au sein de Trio A sous l’angle de la lecture que Roland Barthes fait de cette notion : lors de son séminaire au Collège de France, en 1977, Barthes décrit le neutre comme toute opération qui déjoue une logique oppositionnelle. Il s’agit de voir comment cette proposition pourrait permettre de revisiter les questions de neutral doer ou d’une esthétique de neutralité et d’aller au-delà de certaines évidences qui semblent les travailler. 

18:00 Yael Davids, Vanessa Desclaux, Julie Pellegrin et Chantal Pontbriand : La Réception de Rainer en arts visuels : un état des lieux sur la question de « l’Autre » en art contemporain

Divers points de vue seront évoqués à travers des expériences d’artistes et de commissaires.

Pour Yael Davids, comme pour Rainer, le corps constitue un champ de conflits et de contradictions à l’intersection du privé et du politique, et au cœur de la pratique artistique. L’intérêt de Davids pour Rainer inclut également le parallèle entre performance et expérience vécue, la manière dont le corps individuel ou social occupe un espace et l’utilisation de la narration et des émotions pour exprimer des positions politiques et formelles radicales. La pratique artistique d’Yvonne Rainer est un des prismes à travers lesquels Vanessa Desclaux interroge les modes d’exposition possibles des pratiques artistiques liées à la performance, s’intéressant en particulier à juxtaposition de fragments hétérogènes et sa mise en œuvre dans les « performance demonstrations » de Rainer.

Julie Pellegrin évoque l’importance d’Yvonne Rainer pour les arts visuels, en revenant sur l’exposition qui lui est consacrée à la Ferme du Buisson, « Lives of performers », en relation avec d’autres projets du Centre d’art (de « Une exposition chorégraphiée » à « Treasures for Theatre », en passant par Mathieu Abonnenc, Virginie Yassef, Loreto Martinez Troncoso ou Phill Niblock).

19:00 Emmanuel Alloa  : The Lies of Performance. De la médiateté du direct

Revenir aujourd’hui sur les avant-gardes de la performance des années 60 et 70 suppose une réflexion sur les possibilités d’une reprise ou d’un « reenactment » d’œuvres qui avaient pour principe de n’exister que dans l’instant. Aussi se demande-t-on aujourd’hui s’il est possible de faire « revivre » ces pièces éphémères dont on n’a souvent que des témoignages très indirects, puisque qu’elles n’ont pas pour vocation d’être rejouées, mais supposent au contraire une adhésion sans faille au principe de la présence physique, unique et irremplaçable. L’œuvre d’Yvonne Rainer met cependant en évidence dans quelle mesure le « live » ne va jamais de soi, et que toute présence est déjà le résultat d’une présentation. Il s’agira de réfléchir au per- dans la performance, à ce médium permettant la disposition et la mise en forme de la présence.

19:30 Discussion de clôture