Atelier de recherche DAMUALCA 2022


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Atelier de recherche DAMUALCA « Danses et musiques d’Amérique latine et des Caraïbes »
Coordonné par Laura Fléty et Clara Biermann


L’atelier DAMUALCA « Danses et musiques d’Amérique latine et des Caraïbes » réunit pour la seconde année consécutive chercheurs, chercheuses et étudiant·es, travaillant sur des pratiques performatives, musicales et dansées, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Centré sur une aire culturelle, entendue dans toute sa diversité, et volontairement non thématique, cet atelier se veut un espace de rencontre et de réflexion approfondie sur les objets de recherche des participant·es. La forme et le contenu des interventions, d’une durée d’une heure, seront libres, allant de l’analyse de matériaux ethnographiques à des lectures de textes, des réflexions méthodologiques et épistémologiques sur les approches historiques, sociologiques, esthétiques ou anthropologiques des pratiques musicales et dansées, à des présentations centrées sur des débats contemporains ou des questions non-résolues des travaux de recherche.

Laura Fléty, Anthropologue, Chargée de mission scientifique pour le Centre National de la Danse, Pantin et membre associée E.A Musidanse, Esthétique, musicologie, danse et création musicale.

Clara Biermann, Ethnomusicologue, Département Musique, Université Paris 8
Membre de l’E.A. Musidanse, Esthétique, musicologie, danse et création musicale.

Pour obtenir les liens de connexion pour les séances en visioconférence, merci d’écrire à atelier.damualca@gmail.com

 

Mardi 11 janvier, 13h-15h, en visioconférence

Élégance dans la ville. La production d’une image de contemporanéité de l’autochtonie à travers les vidéo-clips des groupes de musique d’Otavalo, Andes équatoriennes
Jérémie Voirol, post-doctorant en anthropologie, Université de Manchester & Graduate Institute Geneva

Dans cette présentation, j’examine l’image de l’autochtonie (« indigeneidad ») diffusée à travers les vidéo-clips conçus par des producteurs autochtones d’Otavalo (Andes équatoriennes) pour un public régional principalement autochtone. Pour ce faire, je m’intéresse aux motivations des producteurs et des musiciens dans la réalisation de ces clips et à la constitution d’une esthétique spécifique à travers l’analyse des environnements filmés, des personnages et de leurs actions. En investiguant ces clips musicaux, communément consommés dans la région, j’essaie de comprendre comment l’autochtonie est conçue par les autochtones otavalos ordinaires. Je montre que cette conception défie les récits et imaginaires nationaux et internationaux de l’autochtonie (comme ceux liés à l’indigenismo et à l’image globalisée des Andes par exemple), qui reposent souvent sur les dichotomies rural/urbain et tradition/modernité (les autochtones étant associés aux premiers des deux termes). Tandis que les recherches sur les liens entre autochtonie et médias tendent à être imprégnées d’une manière ou d’une autre par ce genre d’oppositions, les clips musicaux des Otavalos s’en éloignent en perturbant les frontières entre ces termes antagoniques (par exemple, ils donnent à voir un engagement intense avec l’urbanité et un usage répandu des nouvelles technologies par des autochtones clairement identifiables comme tels). Par conséquent, je soutiens que l’esthétique de ces vidéos musicales constituent une revendication de la contemporanéité des autochtones otavalos comme membres à part entière de la société globale.


Mardi 15 février, 13h-15h à l’université Paris 8, salle A133

Identité bahianaise et constitution de la localité à travers la fête de caruru des Saints Côme et Damien (Brésil)
Yuri Prado, post-doctorant en anthropologie, Université de São Paulo / EHESS

À Bahia, État du nord-est du Brésil, la célébration des Saints Côme et Damien (syncrétisés avec l’orisha Ibeji et le nkisi Vunji) prend généralement la forme d’un caruru, terme désignant à la fois un rituel religieux et un ensemble de plats de la cuisine bahianaise. Lorsqu’il est exécuté dans un contexte de migration, le caruru dépasse sa fonction religieuse, dans la mesure où il est capable de renforcer l’identité bahianaise, fondamentale pour l’établissement d’un « chez-soi loin de chez soi » (Lara 2005 : 14). À travers la projection du documentaire Deux Frères (2021), qui présente le caruru organisé depuis 25 ans par une famille bahianaise à São Paulo (sud-est du Brésil), je tenterai de mettre en évidence sa dimension identitaire, ainsi que son rôle dans le maintien d’une localité comme « structure de sentiment » (Appadurai 1996 : 181), notamment en temps de pandémie.

 


Mardi 24 mai, 13h-15h à l’université Paris 8, salle A0166

Musiques et danses des Garifunas du Guatemala. Retour de terrain.
Jordi Tercero, doctorant en éthnomusicologie à Paris Nanterre et Paris 8

Les Garifunas sont l’une des rares populations afro-amérindiennes d’Amérique latine qui, au cours du XIXe siècle, s’installent au large du golfe du Honduras, territoire transnational centraméricain à cheval entre le Belize, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua.
À Livingston, village garifuna enclavé entre le fleuve Río Dulce et la mer caraïbe, dans la baie d’Amatique au Guatemala, les pratiques musicales et de danses sont omniprésentes dans le quotidien et les interactions des labugana (habitants de Livingston) : cultes religieux, réinvention de l’histoire et mémoire collective, veillées des morts, processions, fêtes, performances touristiques... Chacun de ces espaces-temps de performance possède ses dynamiques particulières, ses lieux, ses temporalités, ses acteurs et ses règles.
Tout en exposant un panorama des pratiques musico-chorégraphiques de Livingston, et en montrant comment à travers une calendarisation et une territorialisation sonore et chorégraphique se rythment et s’agencent les relations humaines et non-humaines au monde, cette communication présentera des données de terrain recueillis lors d’une enquête ethnographique de sept mois (janvier-juillet 2021) réalisée dans le cadre de ma recherche doctorale.
Je proposerai ensuite d’approfondir la réflexion sur la position de l’ethnographe dans un milieu marginalisé, périlleux et en temps de pandémie et sur les nouvelles pratiques musico-chorégraphiques des jeunes générations garifunas de Livingston, vues sous l’angle des circulations, transferts, changements et globalisations culturelles.

 

Mardi 7 juin, 10h-12h, séance finale à l’université Paris 8
salle A0166

Prendre la rue. Ethnographie d’une performance des bandes à pied et des rara à Port-au-Prince
Mathilde Périvier, doctorante en anthropologie IMAF-EHESS & éditrice aux éditions de l’IHEAL
 
Les bandes à pied et les rara sont des troupes de musiciens liées aux périodes du carnaval et du Carême en Haïti, dont l’une des caractéristiques essentielles est de jouer tout en circulant dans l’espace. « Prendre la rue » est à chaque sortie un exercice renouvelé : le parcours emprunté par la bande change d’une semaine à l’autre, et en tant que performances, musicales ou physiques, ces sorties, même lorsqu’elles se répètent d’une semaine à l’autre, sont toujours différentes et à chaque fois uniques. En effet, chaque performance s’inscrit dans un tissu de relations sociales et d’identités qui lui préexiste, tissu lui-même transformé dans et par l’acte de la performance.
Dans cette communication et suite à une longue enquête à Port-au-Prince (17 mois), je présenterai l’ethnographie d’une performance d’une bande à pied et montrerai comment grâce à la musique, une mémoire des lieux et du quartier est réactivée et devient acte de (re)connaissance du quartier, de ses lieux principaux et incontournables, de ses ancêtres visibles ou invisibles, de ses personnalités importantes. Ainsi, les personnes qui suivent la bande sortent de l’anomie, prennent place, se reconnaissent autant qu’elles sont reconnus dans un corps collectif territorialisé que la musique contribue à produire et à performer.
 

14h-16h

Tresser la danse et les relations féminines dans la fête de la Tirana (Nord Chili)
Laura Fléty, anthropologue, membre associée à E.A Musidanse et Mondes Américains (UMR 8168, CNRS-EHESS)

Cette présentation explorera la nature des liens féminins qui se tissent à travers la danse et les pratiques socio-religieuses, au sein d’une confrérie de la ville d’Iquique, au nord du Chili. Les danseuses de cette confrérie, appelées les « Cuyacas » (« sœurs » en aymara), participent chaque année à la grande célébration de la Vierge du Carmen qui attire, en plein désert, des milliers de danseurs, musiciens et de pèlerins. Pendant neuf jours et nuits de fête, les confréries chantent et dansent inlassablement sur la grande esplanade du Temple de la Vierge. Je souhaite montrer la manière dont l’expérience dansée crée et mobilise différents registres relationnels et émotionnels au sein du groupe des Cuyacas : conflits et relations inter-familiales ; nostalgie et liens de filiation aux danseuses du passé ; relation intime avec la Vierge, figure centrale du catholicisme local incarnant un modèle de stabilité, de réciprocité et d’idéal maternel. Plus qu’une réflexion aboutie, il s’agira de revenir sur un travail ethnographique mené entre 2015 et 2017, et d’ouvrir quelques pistes de réflexion à la discussion collective.